Les étrusques, ces pères de l’Europe


Autant que la Grèce et Rome, l’Etrurie antique a contribué à la formation de la culture européenne. L’exposition du Grand palais le prouve à travers un itinéraire enchanteur.

Faites comme dans les premières images des albums d’Astérix, prenez la loupe penchée pour le célèbre petit village des irréductibles gaulois, faites la glisser vers le sud-est, sautez les Alpes… Encore un peu… Attention, vous y êtes. Là, au centre de l’Italie, entre l’Arno au nord et le Tibre au sud, cette région bordée à l’ouest par la mer Adriatique et à l’est par la chaîne montagneuse des Apennins, grande comme cinq départements français tout au plus, est celle qui nous intéresse.

Recouvrant l’actuelle Toscane et une partie du Latium, elle est abrité l’une des civilisations les plus fascinantes de l’Antiquité ; celle des Etrusques, longtemps éclipsés par la puissance et le rayonnement de Rome. Alors que l’Etrurie fut la première et la plus brillante civilisation de la péninsule, entre le Ixe siècle et le Ier siècle avant Jésus Christ.

A mis chemin d’une méditerranée orientale avancée et d’une Europe continentale et nordique qui en était encore, pour l’essentiel, à la préhistoire, la civilisation étrusque a été l’intermédiaire, le relais entre deux mondes qui, au fil des siècles, allaient former ce continent européen que l’on tente, non sans peine, d’unifier.

Est-ce suffisant pour justifier l’engouement qui entoure ces mystérieux Etrusques ? D’abord, d’où venait-il, ce peuple qui utilisait avec autant d’habileté l’argile et le bronze, qui peignait ses tombeaux comme les égyptiens, qui décorait ses vases comme les grecs, qui possédait un alphabet, qui vénérait ses propres dieux, qui savait construire des temples et honorer ses défunts, et, ce qui nous le rend encore plus sympathique, donnait une place non négligeable à la femme… au bon vin ?

L’importance de la femme.

Ils seraient venus d’Asie mineure, chassés par la famine et attirés par les richesses métallifères de l’Italie centrale. Mais des recherches récentes tendraient à prouver que leurs origines seraient à rechercher dans la péninsule même. Mystère. Reste que leur art possède le raffinement et la magie de l’Orient. Provenant d’une centaine de musées européens, les quelques 650 pièces exposées au grand palais forcent

l’admiration, à défaut de percer tous les secrets d’une civilisation qui a donné naissance à une véritable science, l’étruscologie.

Politiquement, l’Etrurie ne constituait pas un état centralisé comme le sera plus tard l’empire romain. Il s’agissait plutôt d’une société urbaine, formée d’une confédération de puissantes cités indépendantes, comme Taquinia, Arezzo ou Pérouse. Chaque ville possédait son territoire et menait sa propre politique. Le seul lien était la religion et la langue. Les latins appelèrent ce peuple les Tusci… d’où le nom de Toscane.

Le gout du vin.

Un trait original de la vie sociale était l’importance tenue par les femmes. Emancipées pour l’époque. Les nobles assistaient aussi bien aux banquets qu’aux jeux athlétiques ou autres spectacles réservés, la plupart du temps, aux seuls hommes dans l’Antiquité. De l’écriture étrusque, vraisemblablement empruntée aux grecs, il reste peu de traces. Si ce ne sont de nombreuses inscriptions gravées sur les murs des tombeaux, des urnes funéraires et des sarcophages lesquelles nous apportent de précieuses indications sur les structures familiales et de la société.

Autre trait caractéristique de la civilisation étrusque, sa très grande religiosité. Appelé » « La discipline » . Il ne s’agissait pas d’une simple technique de prédiction de l’avenir, mais d’un véritable système d’interprétation de l’univers, fondé sur la correspondance entre le ciel et toutes les choses sur la terre. Comme ailleurs dans l’antiquité, le foie des animaux était considéré comme le siège de la vie. D’où l’importance de l’examen des viscères. Privé ou public, tout acte était obligatoirement précédé de pratiques divinatoires. Issus de la classe aristocratique, les prêtres possédaient un immense pouvoir.

Et puis, il y avait donc ce gout du vin – excellent à ce qu’il semble – illustré par le rite du « Symposion » : le bien manger et le bien boire, alliés à la musique et à la danse dans une légère ivresse… Les étrusques étaient des gens qui savaient vivre. Récoltes abondantes, grande variété de cépages, longue pratique des techniques viticoles : le vin fut à l’origine des contacts les plus féconds entre l’Etrurie et le reste de l’Europe. Au fond, si les étrusques nous interpellent autant, n’est-ce pas, plus que le mystère et le raffinement de leur civilisation, parce que nous leur ressemblons terriblement ?

 

Alain Dutasta.

 

Article  relevé dans la Nouvelle République du 14 octobre 1992.





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