Une sensationnelle expérience d’aviation au bois de Boulogne
 (1906)



M. Santos-Dumont à bord de son aéroplane :
 Le « plus lourd que l’air », vient de faire un pas de géant, un pas de 220 mètres, et c’est à M. Santos-Dumont, déjà célèbre par ses expériences d’aérostation dirigeable, que l’aviation doit ce succès.
 

Depuis quelques années, c’est de ce côté que se tournent les vœux et les recherches d’un grand nombre de ceux que préoccupe l’avenir de la navigation aérienne.
Le protagoniste de cette science fut l’allemand Lilienthal, qui se tua après avoir fait plus de deux mille expériences.
En même temps, le capitaine Ferber fut le premier Français qui se soit élevé au-dessus du sol au moyen d’un aéroplane.

L’Amérique eut, de son coté l’inventeur Chanutte, dont les travaux portèrent particulièrement sur les formes pouvant assurer le mieux la stabilité de l’aéroplane ; puis les frères Wrigth, dont les expériences eurent un retentissement considérable.

Au mois de juin de l’année dernière furent expérimentés, à Billancourt, l’aéroplane de M. Archdeacon et, à Monaco, l’hélicoptère de M. Maurice Léger. Enfin, depuis le début de cette année, M. Santos-Dumont donnait tous ses soins à la machine volante qu’il vient d’expérimenter si heureusement au bois de Boulogne, sur la pelouse de Bagatelle.

Notre gravure donne la physionomie exacte de cet essai sensationnel.
Il est quatre heures. Devant une foule considérable, accourue à l’annonce de ces expériences, l’inventeur va lancer son grand oiseau à travers l’espace.

Les jalonneurs, les chronométreurs sont à leur poste ; derrière l’oiseau, une automobile doit suivre, avec, à bord, le chronométreur E .Surcouf et M. Jacques Faure, à qui incombera le soin de noter l’étendue et la durée des vols… ; tout est prêt ; Santos lance son moteur… Et voici ce que conte M. Jacques Faure :
« Je m’installe dans l’automobile mis à la disposition des chronométreurs. Nous nous rangeons à vingt mètres à droite de l’avion de Santos, prêts à démarrer en même temps que lui. J’ai une pile d’assiettes dans les mains ; je dois les laisser tomber une à une à l’endroit même ou l’avion quittera et reprendra le sol de façon à pouvoir ensuite mesurer les distances parcourues en l’air. Surcouf, lui, a les yeux fixés sur son chronomètre.
Notre moteur, au ralenti, tourne très lentement. Santos fait un signe ; son appareil démarre ; et nous suivons, à quelques mètres en arrière, pour ne pas gêner aucun de ses mouvements. Santos roule 40 mètres environ, commande alors son gouvernail et l’appareil, docile, quitte aussitôt le sol ; je laisse tomber une assiette, tandis que Surcouf lance son chronomètre. Admirable de stabilité et d’équilibre, ne roulant ni ne tanguant, Santos s’élève à une hauteur qui varie de 4 à 6 mètres. Il reste exactement 21 secondes dans l’air, redescend et s’arrête au milieu d’une foule qui hurle d’enthousiasme."

Santos-Dumont est à peine hors de a nacelle que les mains se tendent vers lui, l’empoignent. M Jacques Faure, qui exulte, le happe, le hisse sur ses épaules et le porte en triomphe au milieu d’acclamations émouvantes. On vient, en effet, de mesurer le vol de l’héroïque et intrépide brésilien : il est de est de 220 mètres.
 


Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 25 novembre 1906.




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