L’action féministe
 (Paris 1908)



Les « suffragettes » envahissent une section de vote et s’emparent de l’urne électorale.
Pour la première fois, le mouvement féministe vient de se manifester violemment en temps d’élections.

Une candidate, Mlle Laloé, s’était présentée à Paris, dans le quartier Saint-Georges, aux suffrages des électeurs; Elle avait tenu une réunion publique un peu houleuse, mais tout s’était passé pour le mieux. Et voilà que, le jour du vote, un groupe composé des plus intrépides meneuses de l’action féministe s’avisa de vouloir jeter le trouble et le désarroi dans les sections de vote.

Réunies au square Delaborde, ces dames étaient une centaine environ. Elles se mirent cent en route, après s’est donné pour mission d’aller culbuter les urnes.
Dans la première section où elles se présentèrent, elles réussirent à pénétrer et firent mine de prendre l’urne d’assaut.

Le président, heureusement, prévint leur geste. On les expulsa. Suivies d’agents cyclistes, elles s’en furent en criant par les rues: « Nous voulons voter! »
A la section de la rue de Bruxelles, où se tenait Mlle Laloé, la candidate elle-même les pria de se retirer et les invita à la modération. Mais ce bon conseil ne fut pas suivi. Les suffragettes Continuèrent leur tournée. Cependant, leur nombre allait diminuant: le groupe s’essaimait peu a peu. Les esprits néanmoins n’en étaient pas calmés. Une de ces dames avait suggéré l’idée, qui fut repoussée d’ailleurs par les moins véhémentes, de verser dans les urnes un liquide corrosif pour bruler les bulletins.

Bref, à leur dernière étape, dans une section du quatrième établissement, ces dames n’étaient plus guère qu’une demi-douzaine.
Elles se lancèrent pourtant à l’assaut de l’urne; l’une d’elles s’en empara et la précipita sur le sol.
Cette injure au suffrage universel avait médusé les assistants. Quand ils reprirent leurs esprits, ils crièrent à la garde. On s’empara des deux suffragettes les plus intrépides et on les mena au commissariat, où on les garda jusqu’à la fermeture du scrutin.

L’une de ces dames se déclara enchantée de son équipée: « J’ai tenu, s’écria-t-elle , cette urne de mensonge qui est un outrage à l’égalité des sexes, et je l’ai jetée par terre et je l’ai foulée aux pieds… »

Voila vraiment de quoi se glorifier… Et c’est une étrange façon de s’y prendre pour faire accepter par les gens de bon sens les revendications du féminisme politique…
 


Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 17 mai 1908.




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