Les derniers invalides
 (Paris1908)




Qu’on parlait d’expulser récemment.
 
Dans un vieux poème sur les soldats invalides, le poète La Monnoye disait :
Moins vous êtes entiers et plus on vous admire,
Semblable à ces troncs jadis révérés
Que la foudre en tombant avait rendus sacrées.
 
Or nous avons bien failli ne plus les admirer, les vieux braves si vénérés de la population parisienne. Leurs hauts faits, les blessures reçues au service de la patrie devraient, certes, les avoir rendus sacrés. Mais le propriétaire-état avait besoin de leur palais ; il songea un moment à les en expulser. A leur place, ont eut installé dans l’hôtel les états-majors, les Musées de l’armée et de la Marine.

Et voilà pourquoi les invalides à jambes de bois, les invalides manchots eussent été congédiés.
Mais on a pensé qu’une telle mesure serait pour eux trop cruelle. Les invalides, on l’espère, finiront tranquillement leur existence en cette demeure historique.

D’ailleurs, ils ne sont plus que vingt-neuf. Sur ce nombre, onze sont des survivants de la guerre de Crimée ; sept de la guerre d’Italie ; un de la guerre du Mexique ; deux de la campagne de Rome ; les autres ont pris part aux combats de 1870 et de la Commune. Parmi eux un officier, le capitaine Colembain, prisonnier à Sedan et blessé à l’assaut d’une barricade de la rue Saint-Dominique ; un autre, simple soldat, qui se nomme Lévy, et qui est manchot et gardien du tombeau de l’empereur.

Avant qu’ils aient disparu jusqu’au dernier, nous avons voulu rappeler le passé glorieux de l’institution dans notre variété anecdotique d’aujourd’hui, et rendre une fois encore hommage à ces vieux serviteurs du pays.
 
 
Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 26 avril 1908.





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