De Narvik à la Crète par Brazzaville
(Verrines sous Celles)



A 16 ans, il part à Bordeaux, travailler dans une compagnie d’exportation, où ses talents ne font pas merveille. Il s’engage alors dans la marine, pour cinq ans, en tant que, radio volant dans l’aéronavale, qu’il quitte avec l’arrière pensée d’entrée dans l’armée de l’air. Celle-ci, mauvaise fille, le recale pour insuffisance physique en 1933.
Pas découragé, le tenace Albert Marteau, Deux-sévrien de Verrines sous Celles, qui fait ses études à Saint Maixent, est volontaire au Maroc dans le génie télégraphiste: il participe aux opérations qualifiées pudiquement de «pacification»
1939 le voit affecté au fort d’Issy les Moulineaux…, à la disposition du ministre, ce qui ne satisfait guère notre baroudeur, lequel est volontaire pour out ce qui bouge. Ce sera Narvik en Norvège, où il se rend avec les sapeurs télégraphiste. Le retour à Brest est difficile: les allemands sont à quelques heures, et Albert se sauve de la cité bretonne le 18 juin 1940 à 23 heures. A 7 heures, le lendemain matin, les allemands sont là. En Angleterre, il vit sans doute les heures les plus difficiles de sa déjà longue vie: Sur 12.000 français, 1.200 seulement sont restés, dont 1.000 légionnaires! De ceux qui ont été évacués par Dunkerque, beaucoup sont ensuite revenus dans la France «vichyste»…
Albert Marteau, qui a un solide caractère, signe son engagement dans la France Libre le 20 juin 1940. Un cas rarissime. «J’étais chef de détachement et tous mes gars sont rentrés en France: Je me suis fait traiter de traître. Mais ils n’avaient pas bonne conscience, ceux qui sont rentrés, vous avez»… A Dakar, puis au Gabon, où le mène la guerre, il participe aux combats fratricides entre Anglo-français libres et les Vichyssois. Pour une fois, les Anglais n’ont pas tiré les premiers, sourit Albert Marteau, qui en a pourtant gros sur le cœur.
A Brazzaville, on lui propose d’être chef de poste radio, mais lui répond qu’il n’est pas là pour faire le commis des postes. Volontaire dans l’aviation, il se retrouve en Egypte, et en Palestine en mai 1941, où il est proprement canardé par… des français, mais de Vichy, ceux-là. Lui est de Londres. Ne pas confondre.
L’épopée se termine franchement mal: alors que on avion est chargé de ravitailler des Néo-Zélandais en Crète (si, si), il est descendu pour le compte par le lieutenant Emil Omer, de la Luftwaffe, qui signe là sa troisième victoire. Bilan, côté Albert Marteau: pas de blessures graves, mais le pilote est tué et ses deux camarades grièvement blessés.
Des chasseurs tyroliens le prennent aimablement en charge et il arrive en Allemagne le jour de la rupture du pacte germano-soviétique. Ambiance.
Déchu de la nationalité française le 23 juillet 1940, condamné à mort quatre jours plus tard, Albert Marteau aurait dû être fusillé. Heureusement, De Gaulle avait menacé de tué dix allemands contre un français libre exécuté. Chantage sinistre mais efficace. Albert Marteau reste donc un «sbire stipendié de De Gaulle» (Charles Maurras) et se voit affublé de la nationalité… anglaise, puisqu’il n’est plus français. Avec cette précision: «Français et gaulliste».
Les allemands ne mélangent pas ces «drôles de français» avec les prisonniers de guerre et les changent très souvent de camp. Au fil des séjours, Albert Marteau rencontre les fils Staline, Blum et le baron de Rothschild. Auparavant, il avait croisé le fils Roosevelt!
Le 20 mai 1945, il est libéré avec des cavaliers mongols. Il a la surprise d’apprendre qu’il a été proposé comme compagnon de la libération à titre posthume. Mort dans l’atterrissage mouvementé de Crète. Il le devient vraiment… compagnon de la libération, le 17 novembre 1945 et prend sa retraite militaire en 1954. Il devient ensuite fonctionnaire à L.O.C.D.E. Avant de prendre ses quartiers de retraite à Verrines sous Celle.
La boucle est bouclée
Hervé Aussant



Article relevé dans la Nouvelle République du 8 mai 1992.



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