Il y a 60 ans, Niort était bombardée.


Francis Gaboreau avait neuf ans ce 7 juin 1944 quand les avions alliés ont largué leurs bombes sur le quartier de la gare. Son quartier. Il a voulu raconter ce souvenir dans la N.R.

Vers 19heures, il y eut une première alerte, je jouais dans la cour. Dès la fin de l’alerte, on est sorti dans la rue et là, quelques instants plus tard, on a entendu un énorme vrombissement d’avion…
Francis Gaboreau se souvient comme si c’était hier de ce 7 juin 1944 à Niort.
Un souvenir fort pour l’enfant de neuf ans qu’il était alors. Les nombreuses évocations médiatiques liées à la commémoration du débarquement n’ont pas manqué de le raviver. Au point qu’il a eu envie d’en faire par à notre journal.
Aujourd’hui directeur d’école à la retraite, Francis vit avec sa femme dans un petit village de Bretagne et c’est de celui-ci qu’il nous a appelé pour raconter ces instants qui appartiennent à l’histoire douloureuse d’une ville, jusque là plutôt épargnée par les affres de la guerre.
«Comme d’autres enfants dans la rue des Trois Coigneaux, nous habitions au 32, la maison où se trouve aujourd’hui la chambre des notaires, j’avais le nez en l’air.
Sans prendre conscience du danger, nous nous amusions à compter les avions. Soudain j’ai eu l’impression confuse qu’un projectile me passait au-dessus de la tête.
Papas m’a fait rentrer aussitôt dans la maison.»
Le père Francis, professeur d’anglais au lycée de garçon Fontanes explique à son fils, que si ce sont sans doute les anglais.
«Les américains eux, bombardent toujours à 10.000 mètres» lui dit-il.
Conscient que cette fois, c’est du sérieux, celui-ci fait, en hâte, descendre tout le monde à la cave.
«Nous entendions le bruit de bombes. Tout tremblait se souvient Francis. Quand nous sommes remontés, dans la rue, les gens couraient dans tous les sens. Il y avait de nombreux brancardiers de la croix rouge et de la défense passive.
La sœur de notre petite bonne qui habitait un peu plus loin dans la rue des Trois-Coigneaux est venue aux nouvelles. C’est à ce moment là qu’un officier allemand est passé au milieu de cette foule, très raide, le regard arrogant avec son stick à la main. Il s’est adressé à la jeune fille en disant «Vous voyez ce que vous font vos amis anglais…» De rage elle a voulu se précipiter sur lui mais mon père l’en a empêchée en la retenant par la main.»
Francis raconte que, quelques jours plus tôt, le maire de l’époque, Émile Bèche avait demandé à son père de bien vouloir cacher, pour des raisons qu’il ignore, un certain Grasset qui allait devenir après la guerre préfet de Charente Maritime.
Si la maison de Francis n’a pas le moindre carreau de cassé, à l’autre bout de la rue, près de la gare qui était l’objectif visé par les alliés, les dégâts, sont très importants.
L’hôtel restaurant Terminus, La banque de France, ne sont que ruines. Il y a des victimes.
«Je me souviens notamment de ce pauvre boucher qui était allé porter une lettre à la gare au mauvais moment…»
Si Francis a tenu à livrer ce petit témoignage c’est, dit-il, qu’il est «très à cheval sur le devoir de mémoire».
Et sans doute aussi en souvenir de son père.
«Au lycée Fontanes, il y avait un vrai esprit de résistance. Mon père écoutait toujours les messages de Radio Londres. Et nous on rigolait..."

Fabien Bonnet


Article relevé dans la Nouvelle République du 7 juillet 2004



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