La Gestapo S’infiltre – Delbo-Phénix (2) 
(Niort,1944)



Il y aura soixante ans, le 21 février 1944, l’épisode le plus rocambolesque d’une tragique histoire mettait un couple de petits commerçants niortais au cœur d’une chaîne de solidarité héroïque. Un devoir de mémoire.
Georges et Jeannette Gibeault (*), petits commerçants niortais sans histoire qui vendent des postes de TSF et du matériel de photographie dans leur boutique au 6 de la rue des Cordeliers, sont fiers de leur première grande mission. Le réseau de renseignements de la résistance Delbo-Phénix leur a demandé de cacher le radio belge Jean Hoyoux, dit « Jeannot », parachuté le 23 juillet 1943 à Assais-les Jumeaux. Des informateurs font la navette entre le nord de la France et Niort, leurs valises pleines de renseignements. Après les avoir codés dans l’arrière boutique de Georges Gibault, Jean Hoyoux transmet ces renseignements par radio à Londres.

Jean Marie Pouplain : «La Gestapo préférait la politique de la longue corde ».
Ces émissions ne se font jamais de Niort-beaucoup trop dangereux- mais le plus souvent de Magné, dans un endroit sûr et discret, choisi par Louis Michaud, dit «p’tit Louis », le numéro 2 du réseau Delbo-Phénix. Pour cela, Georges Gibeault avait fait l’acquisition d’un triporteur avec une plateforme à l’avant. Sur celle-ci, une grande caisse en bois dans laquelle il cache le poste émetteur. Les émissions sont de courte durée. Deux à trois minutes tout au plus, car la Gestapo, bien épaulée par les policiers et par de bons français, est en chasse permanente contre les réseaux de résistance. Ces derniers craignent également ce qu’ils appellent les « gonios », Ces voitures banalisées, équipées d’un radiogoniomètre, un appareil récepteur, circulent lentement dans les rues afin de détecter les lieux d’émissions radio clandestines.
« Depuis qu’ils avaient découvert et neutralisé le Q.G parisien de Delbo, les allemands avaient sans doute entre les mains des informations leur donnant de bonnes raisons de suspecter l’existence de ramifications dans les Deux-Sèvres », explique Jean Marie Pouplain, l’historien niortais grâce à qui la N.R. peut aujourd’hui vous raconter cette page rocambolesque et tragique de l’histoire de la Résistance dans le département.
«La gestapo préférait la politique de la longue corde. C'est-à-dire que plutôt que d’arrêter un suspect, elle préférait infiltrer le réseau afin de le neutraliser complètement.»
Celui qui va être chargé de cette sale besogne est un français du nom de Pierre-Robert Lambert, alias « Ledanseur »pour les gestapistes, il débarque un beau jour à Poitiers avec, dans sa poche, le nom d’une personne supposé être proche du réseau Delbo-Phénix. Bonne pioche. Ledanseur lui explique qu’il fait partie du réseau et a été récemment parachuté en France. Il veut gagner Londres très rapidement. Il lui faut pour cela entrer en relation avec la tête du réseau. Le contact poitevin ne se méfie pas. Il lui conseille d’aller à Niort, de se rendre aux ponts et chaussée, avenue de Paris et d’y demander un certain Louis Michaud. Mais lorsque ledanseur rencontre « p’tit Louis », un agent de renseignement d’expérience, ce dernier est sur ses gardes. Il dit ne rien savoir de ce réseau et ne lui être ‘aucun secours.
Mais l’informateur des allemands ne renonce pas. Il sait que les ponts et chaussées sont un repère de résistants. Il a un autre nom dans sa manche : Maurice Tournerie. Personne ressource pour le réseau, l’homme est chargé des carburants aux ponts et chaussées. Moins vigilant que « p’tit Louis », il va commettre une erreur fatale. Il accompagne Ledanseur au 6 rue des Cordeliers Chez Georges et Jeannette Gibault. Labas, c’est sur, on va pouvoir aire quelque chose pour lui. Il ne sait pas encore à quel point.

F .Bonnet
 

(*) Et non Marcel et Jeannette Gibault comme nous l’avons écrit dans notre édition d’hier.
 

Article relevé dans la Nouvelle République du 19 février 2004




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