Le procès de Nuremberg.


« Hermann-Wilhelm Goering, le tribunal international vous condamne à la mort par pendaison. »
C’est la première sentence rendue. On est le 1er octobre 1946. A Nuremberg, le plus grand procès de l’histoire- la première audience s’est ouverte le 20 septembre 1945- parvient au sommet du dénouement.
Le texte du jugement- quelques 250 pages- a demandé deux jours de lecture. Les procès verbaux des audiences ont fait couvrir 6.795 feuillets aux greffiers.
« Je ne pensais pas qu’ils se donneraient tant de mal pour nous envoyer à l’échafaud » a grommelé Goering pendant une suspension d’audience.
Dés l’avant dernière séance, l’atmosphère est devenue étouffante. L’affluence est grande pour guetter les réactions des condamnés. Deux ministres français se trouvent parmi les observateurs : MM. P.H Tetigen et François de Menthon ; Le général Koenig aussi est là.
Les accusés gardent leur calme tandis que le président Lawrence poursuit sa lecture des attendus. Goering s’appuie du coude sur le rebord du box, Rudolf Hess fait des grimaces, perdu dans un rêve. Fritz Sauckel, l’homme du STO, ne cesse de regarder l’heure. L’amiral Karl Donitz, le spécialiste des U.B., reste figé dans un garde à vous rigoureux. Julius Streicher, le fanatique antisémite, mâchonne un éternel chewing-gum.

Dernière provocation.
Mais le lendemain, tout craque, out change. Goering lui-même, ne ressemble plus à Goering, notent les correspondants. Sa dernière déclaration a été pourtant, la veille une ultime provocation : « Que l’on condamne les isolés et en premier lieu nous-mêmes les chefs, je l’admets, mais en aucun cas, on ne peut condamner le peuple allemand qui a fait confiance à ses chefs ».
A l’heure du verdict, il fait de grands signes. Il n’entend plus. Un M.P, puis un technicien réparent les écouteurs pour que l’incendiaire du Reichstag, l’organisateur des raids de terreur, le pilleur de Musée entende une dernière fois énumérer ses crimes. Le président lit :
« Sa culpabilité est unique dans son étendue et rien ne pourra servir d’excuse à cet homme. »
Goering se rejette en arrière. Ses mains tremblent le mot « pendaison » est tombé. Avant de sortir le complice Numéro un d’Hitler lève les yeux vers le ciel.
Ribbentrop a perdu son arrogance. On le sent sur le point de s’effondrer quand la même sentence le frappe. Aucune réaction sur le visage du feld-maréchal Keitel qui reste de granit. Le chef des SS Kaltenbrunner fait un salut ironique c’est un petit signe désinvolte qu’adresse au tribunal Hans Frank. Pour le bourreau de l’héroïque Pologne, une exécution ne compte pas sans doute, même quand il s‘agit de la sienne. Jodl, commandant des armées, a un souvenir mélancolique. Baldur Von Schirach, chef des jeunesses hitlériennes, est furieux, von Neurath, gauleiter de Bohème-Moravie, abattu. Le tortionnaire du peuple hollandais, Seyss-Inquart, tente de se maitriser, mais es poings sont crispés sur son banc.

Protestations :
12 condamnations à mort, dont celle – par contumace du monstrueux Bormann présumé en fuite. Sept à la détention et trois acquittements. Des protestations s’élèvent aussitôt contre cet arrêt qui parait trop indulgent, chez les résistants de toute l’Europe, au sein du tribunal même. Les acquittements de Schacht, l’économiste, de l’ex-chancelier von Papen et de Fritche responsable de la propagande à la radio, sont sévèrement commentés.
« Aucun grief ne pouvait être retenu contre moi » proclame Schacht manifestement satisfait et soulagé et il demande aux journalistes quelques tablettes de chocolat en échange d’autographes.
Le juge soviétique tient à faire savoir qu’il n’approuve ni les acquittements, ni les circonstances atténuantes accordées à Rudolf Hess. Son saut en 1941 sur l’Angleterre à laquelle il voulait proposer une paix sépare a sauvé l’ancien lieutenant du führer. Il est aujourd’hui à 80 ans, le dernier détenu des dignitaires Du IIIe Reich. En Allemagne même, on croyait que ce jugement ne serait qu’une formalité et que tous les accusés étaient d’avance condamnés.
Mais pour le procureur américain Jackson, qui déplore aussi une certaine clémence « la condamnation est d’importance secondaire, en raison de la portée de la décision du Tribunal International selon laquelle les guerres d’agression et les persécutions de minorités sont également criminelles.  Ces principes de droit, dit-il, influenceront désormais les évènements à venir, longtemps après que le destin de certains individus aura été oublié. »


Article relevé dans la Nouvelle République du 12 septembre 1974.



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