Mœurs d’Apaches
 (1907)



La vengeance d’un mourant
Non contents de jouer du revolver et du couteau contre les paisibles passants, les Apaches se livrent, de temps à autre, à des luttes intestines et engagent des combats singuliers dans lesquels ils apportent une véritable fureur de sauvages.

L’un de ces dangereux repris de justice, nommé Alphonse Bouillet, sortit récemment de prison, où il venait de purger une peine de deux ans, s’imaginait avoir été dénoncé par un de ses camarades, Jean Jauvenin, et s’était juré de se venger.

Lune de ces dernières nuits, à Grenelle, les deux ennemis se trouvèrent soudain en face l’un de l’autre. Bouillet menaça Jauvenin, qui fit mine de se défendre. Alors le premier, tirant un revolver de sa poche, fit feu. Jauvenin, atteint d’une balle au ventre tournoya sur lui-même et, avec un grand cri, s’affaissa sur la chaussée.

Bouillet se disposait à prendre la fuite : il n’en eut pas le temps. Attirés par la détonation, deux agents cyclistes venaient d’accourir et de le saisir solidement au collet après l’avoir désarmé.

Ils l’entrainaient malgré sa résistance acharnée, quand se produisit un fait inouï, inattendu. Janvenin, qui râlait, agonisant dans le ruisseau, se releva soudain, se mit à ramper jusqu’à Bouillet et, avec une énergie farouche, lui plongea la lame d’un couteau à cran d’arrêt dans le dos, à cinq reprises, avec tant de force que la lame, au cinquième coup, se brisa. Ce meurtre in extrémis accompli, Jauvenim retomba comme une masse pendant que Bouillet, dont le sang s’échappait à flots de ses horribles blessures s’affaissait à son tour, mourant, aux côtés de son ennemi.

Cette scène atroce n’avait pas duré deux minutes, et les agents n’avaient pas eu le temps de s’opposer à la vengeance suprême du moribond.
 

Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 27 janvier 1907.




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