Victime du devoir
 (Paris 1909)



Le sous-chef et un inspecteur de la sureté tombent sous les balles d’un malfaiteur.
Les circonstances tragiques de ce double meurtre ont profondément ému la France entière.

M. Blot, sous-chef de la Sureté, accompagné par plusieurs inspecteurs, s’était rendu rue de la Folie-Méricourt, pour procéder à l’arrestation d’un certain Delaunay, accusé de vols d’objets d’art dans les églises et les musées.

Delaunay vint lui-même ouvrir la porte de son appartement aux policiers et, tout de suite, sans un mot, braquant sur eux un revolver, il abattit leur chef d’une balle en pleine poitrine.

Tandis qu’on emportait la victime, l’inspecteur Mugat se jeta courageusement sur le meurtrier et tenta de le saisir aux jambes pour le faire tomber et s’emparer de lui. Mais Delaunay, d’un coup de revolver entre les deux omoplates, le tua net.

Puis l’assassin s’étant barricadé chez lui, se fit sauter la cervelle au moment où les agents accourus au secours de leur camarade, parvenaient à enfoncer la porte.

On a rendu à la dépouille des deux victimes du devoirs les honneurs dus à leur courage et à leur dévouement. On a célébré dans de beaux discours l’esprit d’abnégation de ces serviteurs et de ces gardiens de la société. Tout cela est fort bien. Mais ne vaudrait-il pas mieux donner aux policiers toute liberté de se défendre contre les criminels ?… Ne vaudrait-il pas mieux ménager un peu moins l’existence des chenapans et protéger un peu plus celle de ces braves gens si utiles à la sécurité public ?

Les gens de police ont des armes dont-ils n’osent se servir. Il leur fut subir les coups essuyer le feu des apaches et ne jamais riposter sous peine de se voir accuser de manque de sang-froid. Si le cas de légitime défense existait pour les policiers comme pour tout le monde, Delaunay n’eut pas fait deux victimes; peut-être même n’en eût-il pas fait une. Les inspecteurs auraient du l’abattre dès qu’il leva sur eux son revolver. Le seul geste d’attaque d’un criminel contre les gens de la police qui viennent pour l’arrêter devrait autoriser ceux-ci à riposter.

Mais non ! Les policiers sont les victimes offertes à ce pitoyable esprit d’humanitarisme qui sévit si cruellement sur notre époque et arme le crime en désarmant la police.

Il est inouï qu’on trouve encore les gens qui, au prix de tant de dangers et pour si peux de profit, consentent à risquer chaque jour leur peau pour défendre la société.
 


Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 1 aout 1909.




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