Sur les côtes de la Guyane (1906) |
Forçats évadés aux prises avec une bande de
requins.
Un ancien forçat Eddie Guérin, évadé de l’Ile du Diable et réfugié à Londres, fut reconnu ces jours derniers et réclamé par les autorités françaises. Devant le tribunal de Bow-Street, chargé de prononcer sur les demandes d’extradition, cet homme a fait un récit complet de son évasion et de la terrible odyssée qu’il lui fallut accomplir avant de parvenir en Europe. Eddie Guérin est ce cambrioleur qui, en 1900, pénétra à Paris dans les locaux de l’Américan Express Bank, en face de l’opéra. Après avoir menacé le gardien de son revolver, il fit sauter par la dynamite la serrure du coffre-fort et fit main basse sur tout l’argent. Arrêté pour ce vol, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité et déporté à l’île du Diable. Mais le régime du bagne lui pesait et pendant plusieurs années il rumina des plans d’évasion. Enfin, en compagnie de trois de ses camarades, il parvint à fabriquer en secret un radeau avec les arbres qu’ils avaient abattus. Et tous quatre prirent la mer. C’est sur un radeau qu’ils ont fait un trajet de 200 lieues en mer pour arriver à la Guyane hollandaise. La traversée fut des plus mouvementée. Nuit et jour, il fallut être sur le qui-vive et se défendre contre les requins qui sans cesse attaquaient les fugitifs. Ceux-ci ne pouvaient se défendre qu’à coups de rame. L’un des forçats, s’avançant trop au bord du radeau, fut enlevé par les monstres et dévorés. Ces parages, en effet, sont infestés par les squales de grande taille : il n’est pas rare d’y rencontrer des requins de l’espèce des « grands pèlerins » qui mesurent de dix à douze mètres de longueur. Pourtant, en dépit de ces dangers continuels, les trois survivants réussirent enfin à atteindre la côte de la colonie néerlandaise. Mais, à peine débarqués, ils eurent une vive discussion et se séparèrent. Eddie Guérin prit seul la direction du nord. En route il fut capturé par une bande de peaux-rouges, mais il pu pendant une nuit tromper leur vigilance et s’évader de leur camp. Ses deux camarades, comme il a pu l’apprendre plus tard, s’étant égarés dans la forêt vierge, furent attaqués et dévorés par une bande de loups. Lui seul parvint à regagner l’Europe. Mais ce fut pour retomber entre les griffes de la justice. Et le moins qui puisse lui arriver maintenant, c’est de retourner vers ces rivages inhospitaliers qu’il avait fuis au prix de tant de fatigues et de dangers. Article relevé dans le petit journal illustré du 20 mai 1906. |
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