Le martyr d'un matelot (1907) |
A
bord du "Fenice", un marin italien mis aux fers par des allemands,
supporte ce supplice pendant deux mois et demi.
Il n'est point de plus affreux martyre que celui qui a subi pendant toute une traversée le malheureux matelot italien Vincenzo Russi à bord du navire Fenice. Ce vaisseau, qui venait du Chili, est arrivé ces jours derniers à Dunkerque. Les hommes qui composaient son équipage étaient pour la plupart, des gens de sac et de corde de toutes les nationalités. Un jour, à la suis d'une discution futile, deux allemands, Franck et Suguk, tirèrent des coups de revolver sur leur camarade Vincenzo. Celui-ci se sauva dans la cabine du capitaine. Les allemands l'y poursuivirent et forcèrent le capitaine à leur livrer le malheureux. Le capitaine était sans armes et, devinant que la plus grande partie de l'équipage se joindrait aux mutins, il leur remit le prisonniers en leur faisant promettre toutefois qu'il ne le mettraient pas à mort. Vincenzo fut roué de coups par les révoltés qui lui passèrent les fers aux poignets. Puis il fut attaché dans une cabine, sur le pont, avec un câble en acier. Le matelot Franck garda les clefs des fers et c'est lui qui, le revolver au poing, portait la nourriture au prisonnier. Au bout d'un mois, ils lui laissèrent une main libre et le malheureux put enfin se coucher sur le côté. Le martyre du pauvre diable dura exactement deux mois et demi. Il y a quelques jours, comme le navire approchait des côtes, les allemands manifestèrent l'intention de détacher leur prisonniers. Mais c'est alors le capitaine qui s'y opposa. Vincenzo Russi, d'ailleurs, rendu fou furieux par les souffrances endurés; il avait l'air d'une bête féroce enchainée; il tirait sans cesse sur le câble d'acier qui le retenait au pont et se lançait, impuissant vers ses ennemis qui, assis sur la dunette, le raillaient encore du regard. Dès l'arrivée, les gendarmes de la marine sont montés à bord du trois-mâts pour empêcher les hommes de débarquer, et le parquet de Dunkerque a été saisi de l'affaire. Les bourreaux seront poursuivis. Article et gravure relevés dans le petit journal du 5 mai 1907. |
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