Clément V ouvre à Poitiers le procès des templiers (1303)

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Notice sur quelques monuments de l
Notice sur quelques monuments de l'ordre des Templiers dans le département des Côtes-du-Nord / par le chevalier de Fréminville,...
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Procès des Templiers : Thèse soutenue à l
Procès des Templiers : Thèse soutenue à l'Institut théologique de Poitiers / par l'abbé Léon Neveu, curé d'Asnières-sur-Oise (Seine-et-Oise)
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Traittez concernant l
Traittez concernant l'histoire de France : sçavoir la condamnation des Templiers avec quelques actes, l'histoire du schisme, les papes tenant le siège en Avignon et quelques procez criminels ([Reprod.]) / composez par Monsieur Dupuy, conseiller du roy en ses conseils
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Registre de Philippe le Bel, contenant des lettres et des mémoires sur l
Registre de Philippe le Bel, contenant des lettres et des mémoires sur l'affaire des Templiers et sur les rapports avec la cour de Rome.
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 Par deux fois dans leur longue histoire, des papes sont venus à Poitiers. Le 22 janvier 1906, Urbain II consacrait l’église Montierneuf, mais cet événement n’a pas été retenu dans les annales de la cité comme un fait majeur, du moins avec une résonnance égale à celle qu’entraîne la présence à Poitiers, d’un autre pape : Clément V.
Elu en 1305, lors du concile de Pérouse, Bertrand de Goth, alors archevêque de Bordeaux, fut couronné à Lyon, le 15 novembre, en présence des notables du royaume groupés autour de Philippe le Bel. Selon certains chroniqueurs, le roi, ce jours-là, parla en aparté au nouveau pontife de l’ordre des templiers, une vieille institution fondée à Jérusalem en 1119 par Hugues de Payens. Cet « état dans l’état » avait ses lois particulières, ses coutumes et son style de vie. Les chevaliers portaient le manteau blanc et la croix rouge sur l’épaule (distinction accordée par Eugène III), les écuyers le manteau noir. Les chevaliers donnaient l’exemple, communiaient plusieurs fois par semaine, pratiquaient l’abstinence et s’interdisaient de chasser. Ils étaient prudes et n’admettaient pas de présences féminines dans leur société close, en raison de l’article 70 de leurs statuts : « Périllouse chose est la compagnie de la femme ».
Leur devise était noble : Non à nous Seigneur, non à nous, mais à ton nom donne la gloire.
Pendant le pontificat de Boniface VIII – de 1295 à 1305 – le court règne de son successeur, Benoît XI, le roi Philippe le Bel entretint d’excellentes relations avec les templiers, mais il n’appréciait pas pour autant leur puissance encombrante et songeait peut-être au jour où il pourrait les écarter de sa route
Peu après l’élection de Clément V, Philippe le Bel manifesta le désir d’une rencontre. Des courriers furent échangés et des noms de villes proposés. Il fut question de Tours, puis de Poitiers.
Tandis que Clément V faisait route sur Poitiers, où il arriva le vendredi 14 avril 1307, venant de Bordeaux via Saintes, Saint Jean d’Angély et Melle, Philippe le Bel reçut la visite d’un ancien prisonnier et étrange personnage. Bourgeois de Béziers, emprisonné à Agen, Esquieu de Floyran entendait à mettre à profit sa liberté retrouvé pour dénoncer un scandale. Dans sa cellule, il avait fait la connaissance d’un templier apostat, et celui-ci s’était confessé à lui, selon la coutume des prisonniers qui n’avaient pas droit à l’assistance d’un prêtre. Et l’apostat en avait raconté de toutes les couleurs : les templiers n’étaient pas à la hauteur de leur réputation. Ils avaient une vie dissolue, ils s’enivraient, pratiquaient des rites blasphématoires et s’adonnaient à la sodomie. Esquieu de Floryan tenta de monnayer ses confidences auprès de Jaime II, roi d’Aragon, mais il trouva un interlocuteur plus attentif en la personne du roi de France.
A Poitiers, Clément V s’installa au couvent des Cordeliers, le roi au couvent des jacobins, un pont en bois reliant, pour les besoins de la cause, les deux édifices. La curie romaine pris place on le suppose, du moins, dans le palais des comtes du Poitou, l’actuel Palais de justice.

La nouvelle inquisition :
Le pape et le roi ont alors de nombreux entretiens. Philippe le Bel cherche à convaincre le pontife de condamner les templiers, mais l’affaire, à ses débuts, n’est pas facile. Le roi repart de Poitiers le 15 mai 1307, déçu que rien n’ait été fait. Le pape fait un peu de tourisme, il visite Melle, Lusignan, Brioux, et Ligugé, il pense aux templiers, et se laisse convaincre de donner satisfaction à son protecteur. Le 13 octobre, dans toutes les villes du royaume, les templiers sont arrêtés à l’aube, une douzaine d’entre-deux seulement, réussissant à échapper aux forces armées.
Le procès- Les premières phases ont eu lieu à Poitiers – commence en juin 1308. Le 27 de ce mois, Clément V procède en personne à l’interrogatoire des premiers templiers, les cardinaux de la curie prendront sa relève. C’est le temps d’une nouvelle inquisition, les templiers sont accusés d’hérésie et presque toujours reconnaissent leurs fautes. Ainsi, Jacques de Molay, le grand maître de l’Ordre. Il avoue avoir pêché contre la règle puis se rétracte, et sa condamnation à la prison perpétuelle est transformée en condamnation à être brûlé vif, comme relaps.
Sur ordre du roi, Jacques de Molay périra dans les flammes le 18 mars 1314 dans une petite ile de la Seine. Le massacre est parachevé, l’ordre des templiers n’existe plus.
Avant de mourir, le grand maître des templiers, qui avait été enlevé de l’île de Chypre pour répondre à la convocation du roi à Poitiers, lança les imprécations restées célèbres :
« Clément, et toi, Philippe, traîtres à la foi donnée, je vous assigne au tribunal de Dieu ! Pour toi Clément, à quarante jours, et pour toi Philippe, dans l’année ».
Cette prophétie marque les esprits d’autant plus…, qu’elle fut réalisée. Vingt huit jours plus tard, Clément V- le premier des sept papes d’Avignon- fut victime de la dysenterie, pense-t-on. Il rendit son dernier soupir à Roquemaure, près d’Uzès. Il repose à Uzeste, dans sa Gascogne natale.
Dans l’année même, le 29 novembre, Philippe le Bel, âgé de 46 ans, roi depuis 29 ans, était victime d’une chute de cheval en forêt de Fontainebleau et ne survivait pas à ses blessures.
Les amis de Jacques de Molay et des templiers en furent renforcés dans leur culte pour le dernier grand maître de l’ordre.
On le comprend…
B.H.
 
Article relevé dans la Nouvelle République du 11 août 1978.


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