Les femmes et la guerre : Les charpentières de
l’armée britannique (1917) |
Avant la guerre, les
femmes avaient commencé à conquérir un peu partout leur place dans les
professions considérées naguère comme exclusivement masculines.
En Amérique surtout, l’invasion féminine avait commencé réellement à se produire dans la plupart des professions généralement réservées au sexe fort. Du dernier recensement des Etats-Unis, il ressort que, dans ce pays, près de six millions femmes gagnent leur vie. Et les métiers qu’exercent ces 6 millions de femmes ne sont pas toujours des métiers féminins. Il y a beau temps que l’Amérique a des femmes chauffeuses d’automobiles. Elle aurait même à ce qu’il paraît, une chauffeuse de locomotive. Parmi les métiers imprévus qu’exercent les femmes en ce pays, on trouve 84 femmes ingénieurs, 100 gardes forestières et deux couvreuses de toit. Elles peuvent prétendre librement à toutes les professions et atteindre aux plus hautes fonctions administratives. L’Angleterre ne le cède guère aux Etats-Unis en ce qui concerne les métiers singuliers exercés par des femmes. Une statistique – il faut bien s’en rapporter aux statistiques – nous apprend qu’il y a au Royaume-Uni plusieurs centaines de femmes qui sont matelots, pilotes ou débardeurs. On en trouve même quatre qui sont qualifiées « valets d’écuries ». Une autre statistique nous apprend qu’il y a chez nos alliés au moins 200 Women-travellers –femmes commis-voyageurs. Les circonstances actuelles ont développé encore l’action des femmes dans les professions masculines, aussi bien en Angleterre qu’en France. Il à bien fallut remplacer les hommes partis à la guerre. Et les femmes s’y sont mises. Elles s’y sont mises avec ardeur, avec un sens profond des nécessités de la vie. Nous avons rapporté naguère ici le mot d’un de nos plus célèbres économistes qui disait : « Si nous mangeons du pain, c’est aux femmes des campagnes françaises que nous le devons. » Un peu partout, en effet ce sont des femmes qui, en 1915 et en 1916, ont ensemencé et récolté la moisson. Il existe même plus d’un village où, depuis deux ans, ce sont des femmes qui font le pain, et qui, l’ayant fait, vont le porter à domicile. Héroïques à leur manière, ces femmes travaillent nuit et jour pour faire honneur à leurs affaires et rendre la maison prospère au mari quand il reviendra. En Angleterre comme chez nous, les femmes ont mis la main à la pâte, au propre comme au figuré. On nous signale même, qu’elles viennent de conquérir une nouvelle profession masculine. Des femmes anglaises se sont faites charpentières ; et c’est une équipe d’entre elles qui vient en France construire les baraquements nécessaires aux cantonnements des troupes britanniques. Vingt de ces femmes sont arrivées récemment ; et déjà elles travaillent de leur métier près d’une base militaire de l’armée anglaise. Un de nos confrère, qui leur rendit visite, s’étonnait de les voir entreprendre un si rude métier : « Les belges et les françaises, dirent-elles nous ont donné l’exemple ; plusieurs d’entre elles travaillent déjà en France pour le compte de notre maison. L’apprentissage n’est pas long. On nous avait d’abord offert des outils plus légers ; mais le marteau des hommes fait de meilleur ouvrage ; nous n’en voulons pas d’autre – Que faisiez-vous avant la guerre ? – J’étais chauffeuse, dit l’une d’elles ; mais mes compagnes n’avaient pas toutes un état si sportif ; les unes sont bien des paysannes, mais d’autres viennent de Londres où elles étaient couturières et modistes. » On pense bien que des charpentières ne suivent que de loin les modes de la rue de la paix. Sur le fait d’un toit, une jupe serait embarrassante, fut-elle bouffante et à godets. Elles portent la large culotte qui est de tradition dans l’état de Saint Joseph et dont les vastes poches, d’où l’on voit émerger un mètre ou une équerre, servent de boites à outils. Cette culotte est de velours à côtés suivant l’usage mais, à cause de lac proximité du front, on a tenu à la rendre moins visible ; le velours est de couleur kaki. Les charpentières anglaises travaillent de 8 heures du matin à la nuit. Leur salaire est de 25 à 35 shillings par semaine. Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 18 février 1917. |
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