Le Zeppelin abattu
(France 1916)





Le journalAprès le Zeppelin noyé, le Zeppelin abattu et brûlé. Les Zeppelins n’ont pas la veine depuis quelques temps.
Le comte Zeppelin disait naguère:
« Nos ballons ne sont pas seulement des instruments d’exploration; ce sont avant tout des engins de destruction ».
Les Zeppelins auront démontré dans cette guerre l’exactitude de cette déclaration; ils ont, en effet, beaucoup détruit. Mais ils s’étaient aussi beaucoup détruits eux-mêmes. Ces énormes ballons sont singulièrement fragiles.
L’Allemagne en a fait l’expérience. Mais jusqu’à présent, nous ne comptions, comme Zeppelin abattu, que celui qui succomba sous les coups de l’aviateur anglais Warneford. D’autres, peut-être, avaient été atteints, au cours de leurs raids, soit par les projectiles des avions qui les poursuivaient, soit par ceux des auto canons qui tiraient sur eux; mais ils avaient pu toujours regagner les lignes allemandes, et nos aviateurs et nos canonniers n’avaient pu jouir pleinement de leur victoire.
Cette fois, ces chose faite: un Zeppelin, atteint par l’obus d’un auto-canon, a pris feu en l’air et s’est abattu dans nos lignes aux environs de Brabant-le-Roi. Il a été complètement détruit et son équipage a péri tout entier.
C’est la section d’autos-canons de Revigny qui a accompli ce superbe exploit.
Il était environ huit heures et demie du soir quand nos postes d’écoute de première ligne signalèrent qu’un zeppelin était en marche de Sainte-Menehould vers le sud. Le dirigeable, qui faisait partie du parc aéronautique de l’armée du Kronprinz, ayant franchi nos lignes de l’Argonne venait de survoler Sainte-Menehould.
Le Zeppelin avait toutes ses lumières éteintes et semblait voguer à 1.800 ou 2.000 mètres de hauteur. Il luttait contre le vent et avançait lentement.
Le dirigeable avait pris la direction de Revigny. Les autos(canons de cette station lui donnèrent aussitôt la chasse.
Dès qu’il est à la bonne portée, la canonnade commence. Un obus à fusée éclate à l’arrière de la masse et l’illumine. Un autre obus passe plus au-dessus. Soudain, un obus incendiaire semble traverser le Zeppelin et s’accrocher à son flanc droit. Le feu court bientôt tout le long du navire aérien et dessine la nacelle, le réseau et le corps du ballon. Une lueur rougeâtre s’élève lentement: l’embrasement est complet. Le dirigeable brûle sans aucun éclatement perceptible. Il descend peu à peu, illuminé par les morceaux d’enveloppe enflammés, qui se détachent successivement.
En touchant le sol, près de Brabant-le-Roi, petit village à 16 kilomètres de Bar-le-Duc et à 240 kilomètres de Paris, l’éclatement des bombes que portait le Zeppelin se produit. L’explosion est formidable. De tous côtés, une foule énorme accourt à travers champs dans une boue épaisse. Sur les routes, des phares d’autos surgissent de toutes parts. On s’embrasse, la joie est générale.
Sur le sol, le Zeppelin n’est plus qu’un amas de débris informes, auxquels sont accrochés vingt à trente cadavres complètement nus.
Ce Zeppelin était le L-Z-77, d’un modèle perfectionné, ayant huit mitrailleuses et deux canons-revolvers sur sa plate-forme supérieure.
Sa courte carrière et son tragique destin donneront probablement à réfléchir aux assassins de l’air.

Article et gravure relevés dans le petit journal illustré du 12 mars 1916.



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